Art brut. Dans l’intimité d’une collection. La donation Decharme au centre Pompidou

Grand Palais, Galeries 8

Exposition coproduite par le GrandPalaisRmn et le Centre Pompidou

L’accès aux œuvres d’art brut relève souvent d’un sauvetage improbable. Sans les indispensables « passeurs » que furent médecins, infirmiers, amis, amateurs curieux, collectionneurs mais aussi marchands, ces productions issues de la marge auraient tout simplement disparu, sous l’effet de la destruction ou de l’oubli. Cette exposition, conçue à partir d’une donation d’exception, celle de Bruno Decharme au Centre Pompidou, présente un panorama de l’art brut riche d’environ quatre cents œuvres, qui s’étendent du XVIIe siècle jusqu’à nos jours.
Mais qu’est-ce que l’art brut ? « L’art brut, c’est l’art brut et tout le monde comprend ! » C’est ce que disait Jean Dubuffet quand, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il a donné ce nom aux œuvres qu’il collectait. Tout le monde comprend surtout ce que l’art brut n’est pas : il ne fait pas partie des beaux-arts et ne se produit pas dans les lieux habituels dédiés à la création, écoles ou ateliers ; il échappe aux courants et influences stylistiques. Déconcertant, il ne se laisse enfermer dans aucune catégorie et met en échec toutes nos tentatives de définition. Il se situe
« ailleurs »… Farouchement !


Les créateurs en question ne se réclament pas de l’art. Exclus, relégués dans les marges de la société, ils se tiennent dans un tête à tête avec leur for intérieur qu’une instance mystérieuse gouverne. Exilés dans une réalité psychique éclaboussée d’étoiles, hors sol, ils redessinent sans cesse la géographie d’un univers dont ils inventent la structure et les formes. Nourris de leur seul vécu, comme investis d’une mission secrète, ils récoltent, accumulent, remplissent, déchiffrent, noircissent, déforment, amplifient, ordonnancent, bâtissent. Prophètes solitaires, ils ne s’adressent pas à nous.
L’exposition raconte un aspect de cette histoire, à travers le prisme d’une sélection parmi les mille œuvres de la donation Decharme au Centre Pompidou en 2021.
Débutée dès la fin des années 1970, la collection de Bruno Decharme s’inscrit dans un projet global. Au- delà de sa passion de collectionneur et de son regard personnel de cinéaste, Decharme a fondé le pôle de recherche abcd (art brut connaissance & diffusion) en 1999, dirigé par Barbara Safarova, qui vise à poser l’art brut comme une question et non comme une catégorie, à le situer par rapport à la nature et à la place des marges et dissidences dans nos sociétés mouvantes.


L’exposition est un carnet de voyage, un kaléidoscope de questionnements. Des délires scientifiques aux connexions avec les esprits, des « bri collage » aux langues inventées, des missions de sauvetage de l’humanité aux épopées célestes, les créateurs d’art brut interrogent l’universel au travers de leurs préoccupations personnelles. Ce champ de l’art croise également d’autres regards, d’autres pays, d’autres cultures, au Japon, à Cuba, aux États-Unis, au Brésil... Des capsules vidéo nourrissent par ailleurs le parcours en présentant certains artistes et leur rencontre avec Bruno Decharme et Barbara Safarova.
La donation Decharme révèle non seulement des chefs-d’œuvre devenus des classiques (Adolf Wölfli, Aloïse Corbaz, Martín Ramírez, Henry Darger, Augustin Lesage, Emery Blagdon pour ne citer qu’eux), mais aussi des découvertes propres à cette collection, avec des raretés (par exemple le dernier livre de Charles A. A. Dellschau, une gouache de Georgiana Houghton, ou des broderies d’une anonyme dont on trouve la trace dans des publications psychiatriques de référence) et une sélection importante d’ « art brut contemporain » – autant d’œuvres exceptionnelles qui sont désormais protégées au sein de la collection du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou.